Des prostitué.es sous contrat de travail…Comment régulariser une activité très occultée
Au gouvernement fédéral qui présente un avant-projet de loi visant à organiser l’activité des « travailleurs du sexe » sous contrat de travail afin de leur garantir un « vrai » statut social, le Conseil de l’Égalité des Chances entre les Hommes et les Femmes rappelle en préliminaire que ces personnes peuvent déjà exercer leur activité en tant qu’indépendant.es et bénéficier du statut social complet dès qu’ils et elles s’affilient à l’INASTI. Le Conseil souligne, si besoin était, que la prostitution est exercée en très grande majorité par des femmes (à cet égard, parler de « travailleurs du sexe » est saugrenu !) pour des clients très généralement masculins et qu’elle contribue à perpétuer des rapports de domination propres au patriarcat.
Constatant que l’activité présente des « risques particuliers en matière de santé, d’exposition aux violences et d’expériences traumatisantes plus élevées que la moyenne » d’autres secteurs (cf. exposé des motifs) et que nous ne sommes pas en présence d’un métier comme les autres dès lors qu’il n’y a pas de condition d’entrée, pas de formation, mais bien des programmes permettant d’ en sortir, le projet navigue dans des eaux troubles qui ne se clarifieront pas sans au moins des mesures fortes de lutte contre la traite des êtres humains. Il ne faudrait pas que ce projet ait pour effet de banaliser ce qu’on a coutume d’appeler la marchandisation du corps humain, tout spécialement le corps des femmes.
Certes, le projet prévoit des conditions de travail destinées à protéger contre les abus, l’exploitation et les mauvais traitements qui sont courants dans le milieu de la prostitution et, surtout, des dérogations à la subordination des prostitué.e.s à l’égard de l’employeur, inédites en droit du travail, telles que le droit de refuser un client, un rapport sexuel, d’interrompre une relation sexuelle à tout moment, d’imposer des conditions à sa sexualité. Notons aussi une protection contre les représailles, dont le licenciement, ainsi que la désignation obligatoire d’une personne de confiance appelable, à tout moment, en cas d’urgence, qui vient compléter le rôle du conseiller en prévention. Quitter son travail n’aura pas de conséquences en matière de chômage.
Quelques intentions qu’aient eues les auteurs de rencontrer la demande d’un petit groupe de prostitué.es, le Conseil craint que le projet ne suffise pas à enrayer les pratiques violentes à l’égard tant des prostituées qui se déclarent consentantes que des personnes enlisées dans le circuit de la traite. Il s’inquiète des moyens humains dont disposeront les inspections sociales et médicales, indispensables pour faire respecter les droits de ces « travailleurs ». Il considère donc qu’autoriser l’exercice de la prostitution dans d’autres lieux que l’établissement de l’entreprise, dont le domicile des prostitué.es, dispersés, n’est pas raisonnable.
Afin d’assurer un maximum d’autonomie et d’autogestion des « travailleurs », il conseille également de privilégier la forme juridique de la coopérative ou de l’ASBL.
L’initiative du gouvernement doit être considérée comme un projet pilote qui fera l’objet d’une évaluation 2 ans après son entrée en vigueur. Le Conseil de l’Égalité des Chances constate qu’aucun critère d’évaluation n’a été présenté et il propose d’être associé au processus afin obtenir une vue objective et complète de la transition vers une régularisation de la prostitution en Belgique.
Le projet ne concernant que le droit du travail, le Conseil demande de prendre, à tout le moins, simultanément à son entrée en vigueur, des dispositions en matière de maladies professionnelles, d’insertion dans un nouvel emploi à la demande, d’assujettissement à l’impôt, de loyers abusifs, de lutte contre la traite des êtres humains, de renforcement des moyens des services de police et d’inspections sociales.
En complément de la communication ordinaire des services publics relative à de nouvelles règles, une information objective sur les risques particuliers qu’encourent les personnes qui se prostituent, devrait être adressée non seulement à elles et à leurs employeurs, mais aussi à leurs clients.
Avis 171:
https://conseildelegalite.be/media/475/download?inline
Contact : Dominique De Vos
domie.devos@outlook.com
0474 987500